Lettre ouverte de l’AMO La Chaloupe

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Considérer la jeunesse dans sa capacité à assumer la crise

Lettre ouverte

La jeunesse se résigne, s’éteint, se referme. Les jeunes vont mal. Les mesures sévères de
restriction de mobilité et de liberté, qui protègent les aînés et les plus fragiles, impactent
durement et durablement les jeunes. Il ne faut pas opposer l’un à l’autre, mais considérer
les deux de manière nuancée et faire confiance aux jeunes dans leur capacité à assumer la
crise, sans mettre en péril leur propre avenir.
Nous, Acteurs de la jeunesse et de l’aide à la jeunesse, faisons le constat auprès de nos
jeunes de crises d’angoisse, de décrochages scolaires massifs, d’appels à l’aide, d’abus de
psychotropes, de somatisations, de marginalisations, de dépressions, de passages à l’acte et
de suicides…
Les jeunes ont besoin de contacts, d’expériences, de découvertes, de mouvement, de
relations incarnées, de liberté. C’est naturel, c’est dans leur construction identitaire, et par
ailleurs inscrit dans la Constitution. Pourtant, on leur a retiré la plupart de ces libertés
fondamentales depuis le printemps dernier, et les perspectives ne s’annoncent guère
réjouissantes…
Nous devons les protéger et non les sacrifier.
De l’ « animal social » d’Aristote aux études les plus récentes en psychologie sociale, un
immense corpus de connaissances démontre que notre personnalité se construit dans la
relation et l’interaction. On ne peut vivre seul. Encore moins se construire seul. Or,
aujourd’hui, il est demandé aux jeunes de ne pas sortir sous peine de répression, de cesser
presque toute activité et de se former retranchés dans leur chambre, cette « cellule
d’enfermement » qui induit perte de rythme, de structure, de contacts et d’activités. Ceci à
un moment de leurs trajectoires personnelles où ces éléments sont littéralement vitaux. Plus
les mesures de confinement se prolongent, plus la crise sanitaire prend la forme d’une crise
existentielle chez les jeunes.
Les règles sanitaires doivent être conçues dans la nuance des publics auxquels elles
s’adressent, sous peine de produire des dommages collatéraux irréversibles, et de sacrifier
les jeunes sur l’autel d’une santé publique sélective. Les professionnels de la jeunesse et de
la psychiatrie tirent la sonnette d’alarme. Les mesures de précaution doivent être
proportionnées. Nous recommandons la mise en place de mesures modulées pour chaque
tranche d’âge, adaptées aux besoins de chaque génération. Nous demandons qu’une
politique de santé mentale soit pensée et générée de manière consubstantielle à la politique
sanitaire.
Concrètement, nous demandons des bulles plus élargies pour les jeunes (a fortiori en
extérieur), un retour aux cours en présentiel (avec les gestes barrières assumés), un plan
d’aide psychologique (plus que le numéro Vert !) et d’aide scolaire, une réflexion
approfondie sur les modalités d’un apprentissage scolaire où les activités à l’extérieur sont
priorisées, une réouverture des maisons de jeunes, un retour aménagé vers les mouvements
de jeunesse et l’éducation permanente, des interventions constructives et préventives de la
police…
Pour être concrets et éviter de verser dans la caricature : par « allègement des mesures »,
nous n’entendons pas « festivals », « rave party » ou « lockdown party », mais ici nous
parlons d’aller s’assoir sur un banc, de côtoyer ses camarades de classe, de faire du sport en
équipe et à l’extérieur, de vivre ses apprentissages en réel et non en virtuel…
Jusqu’à présent, et depuis près d’un an maintenant, les Acteurs de la jeunesse et de l’aide à
la jeunesse ont été compréhensifs et ont composé avec les règles imposées en faisant
preuve de créativité et de souplesse dans l’intérêt des jeunes. Mais aujourd’hui, force est de
constater que malgré les efforts fournis, l’impact des mesures de confinement sur les jeunes
dépasse l’acceptable. Les jeunes commencent à perdre le goût de vivre. Alors évitons que
l’État sanitaire ne leur vole leur bien le plus précieux : le sens de l’existence.

La Plateforme pour le Service citoyen – Le Service d’Accrochage scolaire SEUIL –
Dynamo international mobilité – L’École secondaire Lycée Martin V –
La maison des jeunes Chez Zelle – L’AMO La Chaloupe

Aviva Depauw, pédopsychiatre

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